Une ressource convoitée et négligée

Ariane Krol
La Presse


Même quand des dizaines d'emplois dépendent de la qualité d'une eau de source, les municipalités doivent se battre pour la protéger.

La petite municipalité de Black Lake, dans la région de l'Amiante, a dépensé 100 000$ pour soumettre un projet d'embouteillage d'eau de source au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). Cette usine pourrait créer une cinquantaine d'emplois. «On espère que ça va redorer l'image de la région, car l'image de l'eau est meilleure que celle de l'amiante», dit le secrétaire-trésorier, Réjean Martin.

La région d'Amos mise aussi sur la pureté de son eau pour développer son industrie touristique. Déjà, le puits municipal d'Amos est l'une des attractions les plus courues de cette petite ville de 14000 habitants. On y apprend que l'eau de la région doit ses qualités exceptionnelles à un esker de 150 km de long qui monte jusqu'à la baie James. Les eskers sont d'énormes bancs de gravier qui ont été charriés par les glaces il y a plus de 8000 ans. Mélange de cailloux, de sable et de gravier, l'esker fait office d'éponge et de filtre, recueillant et purifiant l'eau de la pluie et de la fonte des neiges. Le puits d'Amos et ceux de l'usine d'Eaux Vives Harricana n'utilisent qu'un faible pourcentage de l'eau ruisselant de l'esker de la région, dont le débit est impressionnant. Rien que sur les terres de Roger Périgny, propriétaire de la pisciculture Truites Saint-Mathieu, il coule 3500 gallons d'eau à la minute!

Exposé à l'air libre en maints endroits, l'esker est toutefois très vulnérable à la contamination par infiltration. «Si vous déversez un seul gallon de produit pétrolier, il y aura formation de phénols dans la nappe aquifère, qui sera condamnée», explique André Brunet. Tour à tour directeur des travaux publics, directeur général et maire d'Amos, celui-ci s'est battu durant 20 ans pour protéger l'esker, notamment à cause de la Loi sur les mines, qui donne préséance à la prospection. En 1995, raconte-t-il, un homme d'affaires de la région avait obtenu un droit d'exploration sur un terrain appartenant à la Ville. «La seule façon de l'arrêter était de lui faire peur: je lui ai dit que s'il rentrait un camion ou unepépine (sur le site), je mettais les 14000 résidants à ses trousses.»

La situation n'est pas plus facile pour la mairesse de Saint-Mathieu-d'Harricana, Claire Gagnon. Lorsque La Presse lui a rendu visite, vendredi dernier, elle remuait ciel et terre stopper un entrepreneur qui avait obtenu un permis d'extraire de gravier directement sur l'esker. «Il pourrait tomber directement sur l'eau», s'est-elle exclamée. Élue en 1995, sa première intervention a été de faire arrêter une coupe de bois. Pour protéger efficacement l'esker et le faire connaître, la municipalité cherche à convaincre Québec de créer un parc hydrique, qui serait le premier de la province.

Claire Gagnon cherche aussi à obtenir une subvention de 2,5 millions du programme d'infrastructure Québec-Canada pour construire un aqueduc qui mettrait fin au supplice de Tantale des habitants de Saint-Mathieu. Car même si l'une des sources les plus pures au monde coule dans le voisinage, chaque résidant doit se contenter de l'eau, souvent calcaire, de son puits de surface!

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