Ariane Krol
La Presse
SAINT-MATHIEU-D'HARRICANA
La qualité de l'eau à Amos a convaincu Jean-Louis Marcoux, ingénieur brassicole belge, d'y fonder une microbrasserie, Belgh Brasse.
La région d'Amos mise sur son eau de source exceptionnelle pour revitaliser l'économie locale.
En février dernier, un jury de goûteurs de Berkeley Springs, en Virginie de l'Ouest, a décerné à Amos le prix de la meilleure eau au monde, catégorie «eau municipale». L'usine de traitement d'eau locale serait-elle plus efficace que celle de Montréal? «L'eau d'Amos ne subit aucun traitement: elle n'est ni chlorée, ni fluorée, ni ionisée, ni ozonée», explique Jean-Emmanuel Chérubin, guide touristique au puits municipal.
Pompée dans une nappe souterraine, elle est acheminée à l'état naturel jusqu'aux robinets des citoyens. Sa teneur en sels minéraux est de 200 parties par million (ppm), ce qui en fait une eau de source comparable à la Naya, et plus douce que certaines eaux embouteillées par Montclair, qui peuvent atteindre une teneur en sels de 300 ppm.
Cette qualité exceptionnelle n'est pas exclusive à Amos. À une dizaine de kilomètres au sud-ouest, dans la petite municipalité de Saint-Mathieu-d'Harricana, au beau milieu de la forêt de conifères, une bâtisse de plus de 150000 pieds carrés émerge de terre. C'est la future usine d'embouteillage d'Eaux Vives Harricana, qui devrait créer 140 emplois. Une véritable manne dans une région comme l'Abitibi-Témiscamingue, qui affichait en juillet le deuxième pire taux de chômage au Québec (14,3%), juste après la Gaspésie (17,6%).
Cette usine ultramoderne, dont l'ouverture est prévue en février prochain, fabriquera ses propres contenants en plastique. Elle pourra produire 50000 bouteilles d'eau à l'heure, dont 85% seront écoulées à l'étranger, principalement aux États-Unis et en Asie.
Dès cet automne, les premières bouteilles destinées aux tests de marché sortiront de chez Perigny, une petite usine fermée depuis quelques années qui est située tout près du chantier. On connaîtra la marque et l'allure de l'étiquette en septembre ou octobre. «On va jouer sur des points comme une eau de qualité exceptionnelle, non traitée, qui vient d'un esker dans le Grand Nord québécois, canadien. On va certainement mentionner par la bande que l'eau d'Amos a gagné le prix de la meilleure eau municipale au monde», dit le vice-président finances et administration d'Eaux Vives, Donald Lemay.
Ça brasse à Amos
«L'eau en bouteille, c'est l'application la plus simple. Beaucoup d'autres entreprises ont besoin d'eau de qualité en quantité», dit André Brunet, l'ancien maire d'Amos. En visite en Belgique il y a quelques années, il vante la qualité de son eau à Jean-Louis Marcoux, un ingénieur brassicole dans la vingtaine. Le jeune Belge visite l'Abitibi et tombe sous le charme des grands espaces. L'eau d'Amos le convainc d'y fonder une microbrasserie, Belgh Brasse. «Tout comme une mine, nous sommes proches de notre ressource», dit-il aujourd'hui. Il développe sa première bière en Belgique et vient la faire goûter en Abitibi.
Après avoir réduit son amertume et sa teneur en alcool pour plaire aux palais locaux, il lance la 8, une blonde refermentée en bouteille à la façon belge.
Pendant un an et demi, cette bière demeurera un des secrets les mieux gardés de l'Abitibi-Témiscamingue puisque la Brasserie McAuslan commence tout juste à la distribuer dans le reste du Québec. Jean-Louis Marcoux concocte une autre bière, une blonde plus douce au goût léger, destinée à séduire un plus large public, qu'il réservera encore une fois à la région 08. «La distribution est facile quand tu as un produit au goût extraordinaire qui a un coût de production aussi bas», assure le nouveau responsable du marketing, Sylvain Lafrance. Ne pas avoir à traiter l'eau permet en effet des économies considérables. Belgh Brasse profite aussi des nouvelles mesures fiscales québécoises favorisant la création d'emplois industriels dans les régions ressources. L'entreprise termine des travaux de 3 millions qui lui permettront de doubler sa capacité de production. Le nombre d'employés passera de 8 à 14. L'éloignement n'est même pas un problème, affirme M. Marcoux. «Il y a énormément de camions qui retournent à vide, alors j'ai d'excellents prix vers les grands centres.»
Histoires d'eau, la suite
Roger Périgny connaît bien l'eau de Saint-Mathieu-d'Harricana. Propriétaire de Truites Saint-Mathieu, une pisciculture fondée par son père en 1973, c'est aussi lui qui a démarré Eaux Vives Harricana. La multinationale italienne de l'agroalimentaire Parmalat contrôle maintenant 60% de l'embouteilleur et Gestion Eaux Vives Harricana, un groupe de 35 investisseurs québécois dont Roger Périgny est le président et plus important actionnaire, détient le reste.
La «truite Saint-Mathieu», élevée dans l'eau de source qui coule naturellement sur les terres de Roger Périgny, est réputée pour la qualité de sa chair. Mais limité à une production annuelle de 70 tonnes, le pisciculteur perd de l'argent. «Il faudrait en faire 90 tonnes pour être rentable, j'ai demandé un permis pour 120 tonnes», dit-il. La réponse du ministère de l'Environnement se faisant attendre, il a suspendu son exploitation il y a deux mois.
Mais ce promoteur hyperactif bouillonne de projets pour son eau dont il vante l'exceptionnelle pureté, dont la teneur en sels minéraux est de 33 ppm. «Certaines industries ont besoin de grandes quantités d'eau qui n'ont pas été en contact avec l'oxygène, par exemple dans l'agroalimentaire, le pharmaceutique ou les produits de beauté.» Il dit mener trois projets de front. «Après avoir mis en place Eaux Vives Harricana, c'est plus plausible d'attirer des partenaires pour d'autres entreprises.»
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